surtout pas de vague Gérard Gautier

Surtout ne pas déranger
L’ordre établi
Surtout ne pas gêner,
Chut ! Pas de vagues…
Oui, bien sûr, l’injustice est là,
Intolérable, criante, criarde,
L’on s’en accommode,
Chut ! Pas de vagues…
Oui, bien sûr, la démagogie est là,
Grande dame toujours bien portante,
Dans les bouches vénéneuses,
Injure faite aux humbles
Que l’on dit vouloir défendre,
Qui sont utilisés,
Et personne pour le crier,
Personne pour le hurler,
Chut ! Pas de vagues…
L’on gênerait,
L’on se ferait remarquer,
L’on prendrait parti,
Partis, qui, entre eux,
Ont pris le parti,
En toute connivence, d’en profiter,
De se partager les pouvoirs, le pouvoir.
Non, gardons-nous de dénoncer les excès
Après tout nous ne sommes que des hommes,
Que pouvons-nous faire ?
Chut ! Pas de vagues…
Pourtant, partout, le vent souffle, imprécis,
Généreux, en poussées incohérentes
Mais certaines,
Non domptées.
D’aucuns savent mais ne disent mot,
Complices, veules,
Chut ! Pas de vagues…
Le souffle se fait plus puissant,
Ecrase encore plus la platitude des hommes,
La petitesse des hommes.
Il prend force et majesté, enfle,
Les scandales dégoulinent, inondent,
Envahissent, mais,
Chut ! Pas de vagues…
La vérité dérange, n’est jamais bonne à dire
Si au groupe l’on veut continuer à appartenir,
Du troupeau ne pas s’extraire,
Alors l’on se bâillonne, l’on se muselle
L’on s’isole, l’on se mure,
Chut ! Pas de vagues…
 
Et pendant ce temps, du fond de la misère,
Du fond de l’honnêteté,
Du fond de la conscience des hommes,
La tempête gronde,
Devient démesurée,
Prend une ampleur immense,
Des allures de typhon que rien n’arrête et,
Vague énorme, cataclysme gigantesque
Chaos immonde,
Noie les bons et les méchants,
Les coupables et les innocents,
Tout sombre, se dévague, divague
Pour retomber, inerte, hébété, sans vie,
A pris sa force car
Maintenant, anéantieCelle-ci n’en fait plus…              
 
 
© Gérard GAUTIER

Recueil « ECLATS »  Novembre 1983