• Il n’y a point de belles prisons
    ni de laides amours

     
     
    Ce qu’on n’aime pas ne paraît jamais beau, et ce qu’on aime ne paraît jamais laid

    Tel est le sens exact de cette phrase composée de deux proverbes qui s’emploient quelquefois séparément. Le premier peut se passer d’explication, car personne n’a besoin qu’on lui apprenne pourquoi une prison ne saurait être un lieu de plaisance.

    Mais le second exige un commentaire qui mette en évidence la raison secrète pour laquelle l’objet qu’on aime est toujours beau, comme dit un autre proverbe. Cette raison se trouve dans la réflexion suivante de Bossuet : « Tout cœur passionné embellit dans son imagination l’objet de sa passion ; il lui donne un éclat que la nature ne lui donne pas, et il est ébloui de ce faux éclat. La lumière du soleil, qui est la vraie joie des yeux, ne lui paraît pas aussi belle. »

    Les Latins disaient : Feminam natura pulchram haud reddit, sed affectio. « Ce n’est pas la nature qui rend la femme belle, c’est l’amour. » Ce que Théophile Gautier a complété par ce joli vers : Car sa beauté pour nous c’est notre amour pour elle. Ils disaient encore d’une manière fort originale : Quisquis amat ranam, ranam putat esse Dianam. « Quiconque aime une grenouille prend cette grenouille pour Diane. » La Diane dont il s’agit ici est Diane Limnatis, déesse des marais et des étangs. Cette remarque n’est pas inutile pour faire sentir l’analogie d’un tel rapprochement.

    Les habitants de l’île de Chypre avaient érigé des autels à Vénus barbue. Les Romains adoraient Vénus louche, fait attesté par Ovide dans le second livre de l’Art d’aimer, et par Pétrone dans le Festin de Trimalcion. Ils employaient même proverbialement l’hémistiche d’Ovide : Si paeta, est Veneri similis. « Si elle est louche, elle est semblable à Vénus », en parlant d’une belle qui avait le rayon du regard un peu faussé.

    Horace nous apprend qu’un certain Balbinus trouvait une grâce particulière dans le polype qu’Agna, sa maîtresse, avait au nez, et il observe que tous les amants ressemblent à Balbinus (satire III, liv. I). Il n’en est aucun, en effet, qui n’aime jusqu’aux taches et aux verrues de sa belle.

    Cette bizarrerie des goûts en amour est figurée dans le dessin de Grandville ci-dessus, d’une manière digne de Callot. Rien de plus cocasse et de plus désopilant que la mise en scène de ce laid et de cette laide qui se livrent aux transports d’une admiration et d’une ardeur mutuelles, en collant leurs museaux l’un à l’autre par des baisers gloutons et gluants. Il est difficile de se défendre d’un fou rire à l’aspect des deux grotesques.

    Cependant l’hilarité qu’ils excitent a un certain contrepoids dans l’effet produit par l’illusion passionnée que l’habile artiste a si bien exprimée sur tous leurs traits, et l’on convient, après tout, quoi que puisse dire La Tante Aurore, que leurs baisers pleins de sève n’ont pas moins de douceurs pour eux que les baisers lentement savourés, molto saporiti, qu’échangent, en leurs jeux innocents, les bergers et les bergères du Pastor-fido et de l’Aminte, ou que les baisers dont parle Horace (liv. I. od. 13) : Oscula quae Venus / Quinta parte sui nectaris imbuit. « Baisers que Vénus assaisonne de la cinquième partie de son nectar. »

    La raison de ces vers n’a pas été bien éclaircie par les commentateurs. Jean Bond cite une glose des anciens scoliastes, d’après laquelle le poète aurait voulu rappeler une opinion qui divisait l’amour en cinq parties, dont la première était la vue et la cinquième était la jouissance.

    Le meilleur développement du proverbe Il n’y a point de laides amours, est dans les vers suivants, tirés de la traduction libre que Molière avait faite de Lucrèce, et placés dans la cinquième scène du second acte du Misanthrope :

    ... L’on voit les amants vanter toujours leur choix.
    Jamais leur passion n’y voit rien de blâmable,
    Et dans l’objet aimé tout leur paraît aimable ;
    Ils comptent les défauts pour des perfections,
    Et savent y donner de favorables noms.
    La pâle est au jasmin en blancheur comparable ;
    La noire à faire peur, une brune adorable ;
    La maigre a de la taille et de la liberté ;
    La grasse est dans son port pleine de majesté ;
    La malpropre, sur soi de peu d’attraits chargée,
    Est mise sous le nom de beauté négligée ;
    La géante paraît une déesse aux yeux ;
    La naine, un abrégé des merveilles des cieux ;
    L’orgueilleuse a le cœur digne d’une couronne ;
    La fourbe a de l’esprit ; la sotte est toute bonne ;
    La trop grande parleuse est d’agréable humeur,
    Et la muette garde une honnête pudeur.
    C’est ainsi qu’un amant dont l’ardeur est extrême
    Aime jusqu’aux défauts des personnes qu’il aime.

    Tout ce qui a été dit dans l’article qu’on vient de lire peut être très bien résumé par ce vers roman, passé en proverbe chez les Provençaux et chez les Italiens : Non es bel so qu’es bel, mas es bel so qu’agrada. « N’est pas beau ce qui est beau, mais est beau ce qui agrée. »

     

    source: Proverbe, expression populaire : Il n'y a point de belles prisons ni de laides amours (france-pittoresque.com)


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  • Sans rime ni raison

    Pour désigner tout ouvrage extravagant, qui ne repose pas sur les règles du sens commun, la muse des bonnes gens

    Ce proverbe a dû se fermer dès que la rime a été adaptée aux vers, et conséquemment, ce ne serait pas trop présumer en sa faveur que de conjecturer que les Grecs et les Romains, amis de la raison pour le moins autant que de la rime, aient mis ensemble ces deux mots.

    Néanmoins, pour parler plus sérieusement, nous pouvons croire qu’il n’est en honneur en France que depuis Boileau, ce législateur sévère et spirituel de la poétique française, l’un des premiers poètes qui aient mis d’accord la rime et la raison, ces deux ennemies nées, en apparence.

    Cette locution a quelquefois donné lieu à des bons mots remarquables ; et voici, à son sujet, une anecdote qui mérite d’être citée :

    Deux dames de la cour de Louis XIV, la duchesse de Châtillon et la comtesse de la Suze, plaidaient l’une contre l’autre au parlement. Elles se rencontrèrent tête-à-tête dans la salle du palais. Le duc de la Feuillade, qui donnait la main à la duchesse, dit d’un ton gascon à la comtesse qu’accompagnaient Benserade et tout une cour de poètes :

    « Madame, vous avez de votre côté la rime ; mais nous, nous avons la raison. — Fort bien, monsieur, dit spirituellement la comtesse en le prenant au mot, ce n’est donc pas sans rime ni raison que nous plaidons. »

     

    source : Sans rime ni raison. Origine, signification proverbe, expression populaire. Dictionnaire locutions (france-pittoresque.com)


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  • À chaque jour suffit sa peine

    Ce proverbe s’adresse aux gens qui se préoccupent un peu trop des événements à venir et qui font, en cela, le contraire des indifférents

    Effectivement, la vie serait intolérable si, en supportant les peines journalières, on y joignait l’appréhension des peines du lendemain. Voici ce que dit à ce sujet l’auteur latin Sénèque (58 av. J.-C.) : Quot mala venerunt non expectat : quam multa nunquam comparuerunt expectata, ce qui signifie : Que de maux sont arrivés, sans qu’ils fussent attendus, et combien ne sont jamais arrivés (quoique attendus).

    On peut donner à ce proverbe encore un autre sens : Il ne faut entreprendre chaque jour qu’un travail proportionné à ses forces et selon le temps que l’on peut y consacrer.

    Quant à l’origine de ce proverbe, on la trouve dans l’Evangile selon saint Matthieu (chapitre VI, verset 34). Voici le verset en entier : Ne soyez donc pas en souci pour le lendemain ; car le lendemain aura soin de ce qui le regarde : À chaque jour suffit sa peine.

     

    source : Proverbe, expression populaire : À chaque jour suffit sa peine. Origine, signification (france-pittoresque.com)

     


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  • On ne vieillit point à table

     
    On ne vieillit point en mangeant

    Les uns ont attribué ce proverbe à madame de Thianges, que madame de Sévigné nous a représentée se mettant à table en personne persuadée qu’on n’y vieillit point ; les autres en ont fait honneur au célèbre gourmand Broussin.

    Mais ce proverbe était usité en France et en Italie longtemps avant l’époque à laquelle on prétend qu’il est né. Peut-être fut-il présent à l’esprit du trouvère qui imagina de placer la fontaine de Jouvence dans le pays de Cocagne.


    Laurent Joubert, dans le Ramas de propos vulgaires qu’on trouve à la suite de son livre des Erreurs populaires, édition de 1579, fait cette question qu’il ne résout point : Pourquoi dit-on qu’on ne vieillit point à table ni à la messe ? Je crois que la messe a été réunie à la table dans le proverbe, à cause des repas nommés agapes, que les Chrétiens faisaient dans l’église après le sacrifice divin.

    Et d’ajouter que plusieurs étymologistes pensent que le mot messe est dérivé de mensa, mense ou table, et que la formule ite, missa est (Allez, vous pouvez disposer, marquant la fin de la messe), fut primitivement ite mensa est ; mensa, disent-ils, devint messa, et messa fut changé en missa par deux effets successifs de la prononciation qui adoucissait ou supprimait le n, et qui donnait à l’e le son de l’i.

     

    source : https://www.france-pittoresque.com/spip.php?article7530

     


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    Se chauffer à la cheminée du roi René
     

    Se chauffer aux rayons du soleil
     

    Proverbe provençal. René, roi de Sicile, comte d’Anjou et de Provence, mort en 1480, avait coutume de partager son temps entre l’Anjou et la Provence ; mais lorsque Louis XI, son oncle, se fut emparé de l’Anjou, la Provence devint le lieu habituel de sa résidence.

    René se livra à son goût pour la vie pastorale. Comme au temps de Saturne et de Rhée, il garda quelquefois ses troupeaux avec Jeanne de Laval son épouse. A Marseille, où il passait ordinairement l’hiver, on le voyait sur le port se pénétrer des rayons du soleil ; et de là vint le proverbe, Se chauffer à la cheminée du roi René.

     

    Les Provençaux l’avaient surnommé le Bon ; il fut en effet le bienfaiteur de tous les pays qu’il gouverna. La France lui doit l’introduction des raisins muscats, des paons blancs, des perdrix rouges et des œillets dits de Provence. Ce qui est bien autrement recommandable, il fit naître dans l’Anjou et dans la Provence le goût des belles-lettres et des arts. La France possède quelques tableaux de sa main. Au moment où il apprit que Louis XI venait de s’emparer de l’Anjou par surprise, il peignait une perdrix dans son château de Beaugé ; il continua de travailler, et ne témoigna d’autre regret que celui de quitter pour toujours un pays auquel il était tendrement attaché. Ce prince était gai, vif et fécond en saillies.

    Le 24 août 1819, on posa la première pierre d’un monument que les Provençaux érigent dans la ville d’Aix à la mémoire du roi René. Dans un poème en quatre chants, intitulé leis Magnans, c’est-à-dire les Vers a soie, l’ingénieux auteur, Diouloufet, a eu l’art d’amener un épisode intéressant, relatif au roi René, et parfaitement conforme aux souvenirs historiques. Pour peindre le bonheur dont on croit généralement que la Provence a joui sous son règne, le poète s’est exprimé en quatre vers dont la traduction rigoureusement littérale, sans déplacer un seul mot, produit ces quatre vers français :

    On vit partout aux bords de la Durance
    De grands troupeaux de moutons et de bœufs ;
    Poules alors pondaient de plus gros œufs,
    Et l’âge d’or existait en Provence.

    Lorsque ce prince voyageait dans ses provinces, c’était toujours sans aucun faste ; souvent il préférait la modeste habitation d’un simple particulier au château d’un grand seigneur ; et en partant, il crayonnait sur la muraille de la chambre qu’il avait occupée, son portrait avec ce vers : Sicelidum regis effigies est ista Renati (Ceci est le portrait de René, roi de Sicile). Quelquefois il faisait rebâtir les maisons de ses sujets les moins aisés.

    source : https://www.france-pittoresque.com/spip.php?article7853

     


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