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    La dictée de Mérimée 

    avec ses difficultés expliquées par le menu*,
    règl
    es d'orthographe et de grammaire et digressions sur la langue




    Prosper Mérimée, 1803 – 1870

    En 1857, l'Impératrice Eugénie avait demandé à Prosper Mérimée une dictée pour amuser la cour de Napoléon III.
    L'empereur aurait fait 75 fautes, Eugénie 62, Alexandre Dumas 24 et Metternich, l'ambassadeur d'Autriche, seulement 3.
    « Quand allez-vous, prince, vous présenter à l’Académie pour nous apprendre l’orthographe ? » aurait demandé Dumas quand furent annoncés les résultats.



    Voici le texte de la dictée publiée par Léo Claretie en 1900.

    La dictée de Mérimée, site officiel du Ministère français de la Culture.



    Les mots expliqués sont en rouge.

    Vous trouverez d'autres versions à la suite de celle-ci.

    « Pour parler sans ambiguïté, ce dîner à Sainte-Adresse, près du Havre, malgré les effluves embaumés de la mer, malgré les vins de très bons crus, les cuisseaux de veau et les cuissots de chevreuil prodigués par l’amphitryon, fut un vrai guêpier.

    Quelles que soient, quelque exiguës qu’aient pu paraître, à côté de la somme due, les arrhes qu’étaient censés avoir données la douairière et le marguillier, il était infâme d’en vouloir, pour cela, à ces fusiliers jumeaux et malbâtis, et de leur infliger une raclée, alors qu’ils ne songeaient qu’à prendre des rafraîchissements avec leurs coreligionnaires.

    Quoi qu’il en soit, c’est bien à tort que la douairière, par un contresens exorbitant, s’est laissé entraîner à prendre un râteau et qu’elle s'est crue obligée de frapper l’exigeant marguillier sur son omoplate vieillie.

    Deux alvéoles furent brisés ; une dysenterie se déclara suivie d’une phtisie et l’imbécillité du malheureux s’accrut.

    — Par saint Martin, quelle hémorragie ! s’écria ce bélître.

    À cet événement, saisissant son goupillon, ridicule excédent de bagage, il la poursuivit dans l’église tout entière. »


    Explications



    ambiguïté, de l'adjectif ambigu au masculin (pluriel ambigus), ambiguë au féminin (ambiguës)

    De même aigu, aigus, aiguë, aiguës, le tréma n'est pas sur le U, même chose pour contigu, contiguë, contiguïté, exigu, exiguë, exiguïté... et la ciguë.

    La Réforme de 1990 permet ambigüité > Réforme de l'orthographe - L'orthographe recommandée aux enseignants - Lexique

    Un dîner, dîner, variante orthographique : un diner, diner (non admis par l'Académie ni par le Trésor).

    Réforme de 1990, l'accent disparaît.



    Sainte-Adresse

    Que Adresse soit une sainte ou non, on écrit Saint ou Sainte que l'on relie au nom qui suit par un trait d'union, dans les noms de rues, de places, de villes...

    Ex : quartier Saint-Denis, place Saint-Pierre, rue Saint-Vincent.

    Quand on parle d'un saint, on écrit (par ex.) saint Martin, sans trait d'union.



    malgré n'a jamais de s, ni parmi.


    effluve est masculin.

    E précédant 2F en début de mot n'a pas d'accent, effet, effervescent...


    embaumés, participe passé employé comme adjectif s'accorde avec effluves.


    de très bons crus, si c'était un singulier, on aurait "d'un très bon cru".


    un cuisseau : Partie du veau, coupée en deux, qui prend au-dessous de la queue et va jusqu'au rognon, et comprenant le quasi, la culotte, la noix pâtissière, la sous-noix et le jarret.

    un cuissot : Cuisse de gibier de forte taille. Cuissot de cerf, de chevreuil, de sanglier.

    Définitions recueillies sur le CNRTL dans Le Trésor de la langue française.

    Lexicographie- Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales du cnrs


    prodigués s'accorde avec cuisseaux et cuissots


    un amphitryon, celui qui reçoit à diner.
    Pour en savoir + sur Amphitryon, voir la note des Délires n°59


    guêpier, mot qui vient de guêpe

    -endroit bruyant

    -piège, souricière


    quelles que soient .. les arrhes

    quel que : locution conjonctive de concession, suivie du verbe être au subjonctif

    quel s'accorde avec le sujet du verbe être

    Quelle que dût être votre opinion, je ne m'en souciai guère.

    Quels que puissent être vos désirs, vous ne les accomplirez jamais.

     

    Les semi auxiliaires (auxiliaires de mode) devoir et pouvoir accompagnent le verbe être dans ces deux phrases.

    Pour en savoir + voir l'article Quel que



    quelque exiguës qu'aient pu paraître... les arrhes

    quelque ... que : locution conjonctive de concession, suivie d'un verbe au subjonctif.

    ici, aient pu paraître est le verbe paraître accompagné du semi auxiliaire pouvoir au subjonctif passé.



    -quelque + adjectif + que

    quelque appliqué qu'il soit, il ne réussira jamais à avoir la moyenne.

    ou

    -quelque + syntagme nominal + que

    Quelque effort que je fasse, tu restes indifférent.

    Pour en savoir + voir l'article Quelque... que



    paraître prend l'accent circonflexe sur le i devant le t

    comme naître, les dérivés de paraître (apparaître, disparaître, comparaître), et de croître (accroître, décroître, surcroître). Ex. il naîtra, il croîtrait, nous disparaîtrons...


    On a aussi : il clôt, il gît, il plaît.



    Particularité de croître : il prend l'accent circonflexe à chaque fois qu'on peut le confondre avec croire.

    Il croît, il a crû, MAIS il croissait, croissant, etc.

    Surcroître est vieilli, on le trouve dans les expressions de surcroît, par surcroît.



    la somme due, les sommes dues, l'emprunt dû

    dû (de devoir) ne prend d'accent circonflexe que lorsqu'on peut le confondre avec du (partitif ou préposition, du = de + le)

    J'ai du bon tabac dans ma tabatière. (du, partitif. Sens : une partie d'un tout, une certaine quantité de)

    Je viens du marché. (du = de le)

    J'ai dû parler. (devoir)

    Voir l'article du, dû, due, dus, dues, dut, dût



    des arrhes, substantif féminin. On donne des arrhes pour un achat ou une location.

    arrher, donner des arrhes.

    arrhement, vieilli.

    Les arrhes données ne sont pas rendues par le vendeur si l'acheteur se rétracte.


    Les arrhes qu’étaient censés avoir données la douairière et le marguillier.

    qu’étaient censés avoir données la douairière et le marguillier est une proposition relative complément de l'antécédent arrhes.

    qu' (c'est-à dire que élidé) est un pronom relatif qui représente l'antécédent arrhes.

    Je remplace que par ce qu'il représente :

    la douairière et le marguillier étaient censés avoir donné des arrhes



    données est un participe passé, il suit la règle de l'accord des participes passés qui veut qu'un participe passé employé avec l'auxiliaire avoir s'accorde avec le complément d'objet direct si celui-ci le précède.

    Dans ce cas le complément d'objet direct est que (= arrhes) féminin pluriel, et il est placé avant (avoir) données. Donc accord.

    Pour en savoir + sur l'accord des participes passés, voir les 3 articles :

    Règles de l'accord des participes passés

    L'accord des participes passés + Quiz 26

    Qu'est-ce qu'un verbe pronominal ? L'accord des participes passés des verbes pronominaux + Quiz 32


    étaient censés s'accorde avec le sujet inversé douairière et marguillier

    censés, adjectif qualificatif attribut de douairière et marguillier, s'accorde avec ces substantifs.

    Être censé, être supposé.

    MAIS être sensé, avoir du bon sens.



    douairière, marguillier, fusilier

    voir le sens de ces mots sur

    Lexicographie - Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales du cnrs



    infâme a un accent circonflexe, infamie n'en a pas.

    > L'accent circonflexe – Mettons-le seulement là où il faut - cru, crû, idolâtre, psychiatre, écolâtre, gaîment, absolument, ambigument, fantomatique, tempétueux... + Quiz 58

    > Réforme de l'orthographe - L'orthographe recommandée aux enseignants - Lexique



    malbâti, du verbe bâtir (accent circonflexe) et de l'adverbe mal.

    Au pluriel malbâtis

    Dont le corps n'est pas bien bâti, qui a une mauvaise tournure. Un homme malbâti. Substantivement : un grand malbâti. Littré



    rafraîchissement, accent circonflexe comme dans rafraîchir, fraîchir, fraîcheur.



    coreligionnaires, de la même religion

    Il n'y a pas d'accent sur le e de core-

    Prononciation [kɔʀ(ə)liʒjɔnε:ʀ] ou [kɔʀeliʒjɔnε:ʀ] c'est-à dire core- ou coré-

    Pourquoi l'Académie, qui écrit corrélation, corrélatif, avec deux r, écrit-elle coreligionnaire avec une seule r ? question sur le Littré



    quoi qu'il en soit subjonctif après quoi que

    quoi que et non pas quoique

    > Quoiqu'il en soit privé, il ne demande jamais de chocolat = bien qu'il en soit privé

    Pour ne pas confondre quoi que et quoique, sachez qu'on peut remplacer quoique par bien que (synonymes) dans un contexte donné.

    Quoi dans quoi que est pronom interrogatif mais il a perdu sa connotation interrogative, de même qui dans qui que, où dans où que.

    Pour en savoir + voir les articles sur le blog :

    Quoi que

    Quoique



    exorbitant, excessif, qui dépasse la mesure

    du latin exorbitare, dévier, sortir de l'ornière, de ex, hors, et orbita, ornière, trace d'une roue de voiture, cf. Littré.

    mots commençant par ex, exc, exh, voir la note des Délires n° 9



    entraîner (orthographe traditionnelle avec l'accent)

    ou entrainer (réforme de 1990)



    la douairière s'est laissé entraîner

    On est dans le cas où le participe passé laissé est suivi d'un infinitif, entraîner.

    Lorsque le sujet ne fait pas l'action de l'infinitif, le participe passé est invariable.

    Elle s'est laissé battre (on l'a battue)

    Elle s'est laissée mourir (elle est morte)

    On préfére aujourd'hui LAISSÉ suivi d'un infinitif, invariable dans tous les cas.

    Voir l'article :

    L'accord problématique des participes passés FAIT et LAISSÉ - Ils se sont fait ou faits / Elle s'est fait ou faite / Ils se sont laissé ou laissés...

    Voir les 4 cas où le participe passé est suivi d'un infinitif dans l'article du blog :

    Règles de l'accord des participes passé paragraphe 2



    elle s'est crue obligée

    Le participe passé d'un verbe pronominal (se croire) suivi d'un attribut du pronom réfléchi s'accorde avec lui (obligée attribut de se).

    Pour en savoir + sur cette règle voir l'article :

    Qu'est-ce qu'un verbe pronominal ? + QUIZ 32 Accord du participe passé des verbes pronominaux Voir le paragraphe G de la correction dans l'article.



    exigeant, l'adjectif et le participe présent ont la même graphie.

    (et non pas exigent comme dans ils exigent)

    MAIS on a divergent (adj.) divergeant (part. prés.), convergent, convergeant, négligent, négligeant, émergent, émergeant.

    Voir : Ne pas confondre participes présents, gérondifs et adjectifs verbaux, (en) fatiguant fatigant – (en) convainquant convaincant – (en) émergeant émergent – (en) résidant résident...



    son omoplate vieillie

    omoplate est féminin. On écrit son omoplate par euphonie, devant une voyelle, son étant ici féminin. Cela pour éviter l'hiatus sa omoplate.



    alvéoles est ici au masculin ce qui justifie l'accord du participe brisés.

    Mais le genre de alvéole peut se discuter.

    Voir l'article sur le blog

    Féminin ou masculin ? Le genre des noms dont on n'est pas sûr

    + Quiz 4.



    dysentrie vient du grec mal et entrailles.

    Le s de l'élément dys (= mal), bien qu'il soit entre deux voyelles ne se prononce pas [z] mais [s].

    Voir l'article sur le blog :

    Cas où le S ne se prononce pas [z] entre deux voyelles



    phtisie, une ancienne graphie était phthisie, cf. Littré 2ème édition 1872-1877 (en ligne)



    imbécillité : 2L, imbécile : 1L



    s'accrut, verbe s'accroître au passé simple

    Il n'y a pas d'accent circonflexe sur le u parce que :

    -accroître est différent du verbe croître qui prend un accent lorsqu'on peut le confondre avec le verbe croire. Il crût, il accrut, il s'accrut.

    -il s'accrût serait la forme du subjonctif imparfait, ce qui n'est pas le cas ici.

    bélître, homme de rien, sot, importun

    L'Académie (1798-1932) écrit belître sans accent aigu sur e.

    La finale -itre ne prend l'accent circonflexe que dans les trois mots suivants : bélître, épître, huître. Lu sur le cnrtl

    Ainsi pitre, chapitre et pupitre n'ont pas d'accent.



    excédent, noter le exc [ks]

    voir l'article sur le blog

    mots commençant par ex, exc, exh, voir la note des Délires n° 9



    bagage, un bagage



    tout entière

    tout adverbe.

    Les adverbes sont généralement invariables.

    Tout pour raison d'euphonie fait toute lorsqu'il se trouve devant une consonne ou un h aspiré.

    Elle est toute mouillée, elle est toute honteuse.

    Mais il reste invariable devant une voyelle ou un h muet

    Elle est tout étonnée, elle est tout horrifiée.



    La version de 1990

    La version de 1990 supprime les accents circonflexes et écrit ambigüité, exigüe et marguiller, graphies que je n'ai trouvées dans aucun des dictionnaires que j'ai consultés.

    ♥ Ouvrages de référence dont je me sers pour écrire mes articles



    La réforme de 1990

    Dans les modifications orthographiques de la réforme de 1990, on propose de laisser tomber cet accent circonflexe. Après plus d'une quinzaine d'années, on constate que personne ne laisse tomber le chapeau. Cette proposition doit donc être considérée avec la plus grande vigilance d'autant plus que la règle est assez simple. cf. cnrtl

    Réforme de l'orthographe - L'orthographe recommandée aux enseignants - Lexique


    « Pour parler sans ambigüité, ce diner à Sainte-Adresse, près du Havre, malgré les effluves embaumés de la mer, malgré les vins de très bons crus, les cuisseaux de veau et les cuisseaux de chevreuil prodigués par l’amphitryon, fut un vrai guêpier. Quelles que soient, quelque exigües qu’aient pu paraitre, à côté de la somme due, les arrhes qu’étaient censés avoir données la douairière et le marguiller, il était infâme d’en vouloir, pour cela, à ces fusiliers jumeaux et malbâtis, et de leur infliger une raclée, alors qu’ils ne songeaient qu’à prendre des rafraichissements avec leurs coreligionnaires. Quoi qu’il en soit, c’est bien à tort que la douairière, par un contresens exorbitant, s’est laissé entrainer à prendre un râteau et qu’elle s'est crue obligée de frapper l’exigeant marguiller sur son omoplate vieillie.Deux alvéoles furent brisés ; une dysenterie se déclara suivie d’une phtisie et l’imbécilité du malheureux s’accrut.— Par saint Martin, quelle hémorragie ! s’écria ce bélitre. À cet évènement, saisissant son goupillon, ridicule excédent de bagage, il la poursuivit dans l’église tout entière. »

    Notes

    J'ai trouvé dans d'autres versions ou d'autres commentaires ces graphies proposées sur la toile :



    quelqu'exiguës...

    Quelque exiguës qu'aient pu paraître... les arrhes...

    On a une disjonction après quelque sauf dans les expressions quelqu'un, quelqu'une.

    On trouve cependant chez Dauzat :

    Quelqu’ opposés […] que fussent leurs tempéraments (Dauzat, Génie de la langue française, p. 343)

    et également chez Robespierre :

    ... quelqu'impure qu'en soit la source... (Discours à la Convention sur la nouvelle Déclaration des droits de l'homme)

    On a également une disjonction avec presque sauf dans presqu'île.

    Quoique, puisque, lorsque, quelque, et presque s'élident-ils ?



    cuisseaux pour cuissots, et une note précisant que cuisseaux a également le sens de cuissots. (la définition du Petit Robert le laisserait penser)



    alvéoles au féminin



    de très bon cru au singulier



    Par saint Hippolyte, au lieu de Par saint Martin



    Étonnant non ? Les commentaires de la dictée sont de moi, mamiehiou, et n'engagent que moi.

    CQFD !

    source : http://mamiehiou.over-blog.com/article-la-dictee-de-merimee-avec-les-fautes-a-ne-pas-faire-expliquees-par-le-menu-regles-d-orthographe-et-84602130.html

     


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