• Trouvé sur france-pittoresque.com

    La licorne est retenue en captivité et n'est plus morte. Tapisserie appartenant à la série intitulée La Chasse à la licorne (fin du XVe siècle / début du XVIe siècle)
     
    Licorne : de la légende à la réalité
    (D’après « Revue d’histoire de la pharmacie », paru en 1972)

     
     
    Animal de légende à travers le Vieux Monde durant de longs siècles, la licorne, ayant inspiré de nombreux poètes, a laissé dans la littérature, l’histoire naturelle et la médecine de nombreuses traces du merveilleux dont on l’a toujours parée : de nombreux savants ont disserté sur l’origine et la nature de la créature, la façon de la capturer, les vertus thérapeutiques que nos ancêtres parmi les plus renommés prêtaient à sa corne et qui les conduisaient à ne pas l’estimer moins que les pierres précieuses

    L’aire géographique où « vivait » la licorne s’étendait sur la Chine et les Indes, couvrait la Perse et le Moyen-Orient jusqu’aux rives de la Méditerranée. C’est un peu le chemin des grandes invasions. Si l’on feuillette les Subtiles fables d’Esope publiées à Lyon, en 1486, par les soins de Mathieu Husz, on y rencontre un bois illustrant la fable des Bestes et des Oyseaux ou Combat des quadrupèdes et des Oyseaux. D’un côté sont figurés deux aigles, une cigogne et une chauve-souris, de l’autre, leur faisant front, lapin, renard, cerf et licorne. Cette fable, Esope, qui vivait vers la fin du VIIe ou VIe siècle avant J.-C., l’aurait adaptée d’un apologue indien. La Fontaine en a fait la fable 5 du livre II, La chauve-souris et les deux belettes, sans licorne.

    D’aucuns ont « vu » ou entendu parler de licornes au Cap de Bonne-Espérance (Garcia d’Orta), aux « Royaumes de Basan et de Cambie » (Paul de Venise), en Haute Ethiopie (Marmol), où le Prêtre Jean, désirant entrer en relations avec le Grand Seigneur, lui fit tenir en présent, comme une chose des plus rares, deux belles licornes vivantes qu’il avait reçues des Indes.

     
    La licorne est retenue en captivité et n’est plus morte. Tapisserie appartenant à la série
    intitulée La Chasse à la licorne (fin du XVe siècle / début du XVIe siècle)

    Dans le temps, la Bible et le Talmud en font mention : le prophète David, dans le psaume 22, prie Dieu de le garantir de la gueule des lions et de la force des licornes. Selon le Talmud, cité par l’historien de la pharmacie Eugène-Humbert Guitard (1884-1976), il fut impossible de faire entrer la licorne dans l’Arche : on l’attacha au bateau par sa corne et elle resta dans l’eau sans se noyer. Selon Sperlingius, c’était un animal antédiluvien ayant disparu avec le Déluge.

    Les termes de unicornumonocerosmonodon, ont servi à désigner la licorne dans les textes anciens. Il semble que ce soit au grec Ctesias, historien et médecin de la suite d’Artaxerxes (IVe siècle avant J.-C.), qu’on doive sinon la première description, au moins la première mention de la licorne. Aristote et Pline en font état. Voici ce qu’en dit Pline dans son Histoire naturelle : « Les Indiens donnent aussi la chasse à une bête féroce très dangereuse qui est le monoceros, c’est-à-dire qui n’a qu’une corne. Son corps ressemble à celui du cheval, sa tête à celle du cerf, ses pieds à ceux de l’éléphant, sa queue à celle du sanglier. Son mugissement est d’un ton grave. Il lui sort du milieu du front une seule corne de deux coudées d’éminence. Ils assurent qu’on ne peut prendre cette bête en vie. » Description vague de ce puzzle animal, qui pourrait aussi bien concerner le rhinocéros d’Asie porteur d’une seule corne. On a dit aussi qu’elle « ressemble à un poulain de deux ans, hormis qu’elle a une barbe de bouc et au milieu du front une corne de trois pieds polie et blanche comme de l’ivoire ».

    Il faut attendre le Moyen Âge pour que le symbolisme héraldique en fixe les traits physiques, lui prêtant les apparences d’un pur sang à la robe blanche, embelli des vertus chevaleresques : puissance, courage, pureté, amour courtois. De là à transposer sur un plan pratique le bénéfice possible de telles vertus il n’y avait qu’un pas, et c’est sans doute la raison de l’emploi en thérapeutique de la corne de licorne : antidote et pouvoir purificateur avec extension à une action fébrifuge.

    Les Croisades, avec les échanges qu’elles ont amenés dans de nombreux domaines, ont contribué à la divulgation de vérités et légendes souvent tenaces, le merveilleux étant parfois plus vraisemblable que le vrai. Les magnifiques tapisseries de la Dame à la licorne du Musée de Cluny évoquant les cinq sens ou la remarquable suite de la Chasse à la Licorne aujourd’hui à New York en sont la parfaite illustration ; elles font, en quelque sorte, le point de ce qu’on imaginait de la licorne au XVe siècle.

    Grâce à Laurent Catelan (1568-1647), nous pouvons faire le point de ce que certains savaient ou croyaient savoir sur la licorne au commencement du XVIIe siècle. Apothicaire du duc de Vendôme, maître apothicaire de Montpellier, il écrit dans la dédicace de son Histoire de la nature, chasse, vertus, propriétez et usage de la lycorne parue à Montpellier en 1624 : « Je vous offre avec le sacrifice de mon cœur la curieuse recherche que j’ay faitte sur le subiet de la Lycorne, autant recommandable par sa générosité que par la secrette et admirable vertu que la nature luy donne, d’abbatre les malins efforts des plus dangereux venins... »

    La licorne. Gravure extraite de Histoire de la nature, chasse, vertus, propriétez et usage de la lycorne, par Laurent Catelan (1624)
    La licorne. Gravure extraite de Histoire de la nature, chasse, vertus, propriétez
    et usage de la lycorne
    , par Laurent Catelan (1624)

    Après avoir rappelé les spécialités qu’il exploite — « Poudre de Chypre, de violette, Eau dange, chaynes de musc, peaux de senteur, cassolettes..., outre ce qui concerne les médicaments suivant ma profession » — Catelan indique qu’il a « par un soing extraordinaire recouvré du plus profond de l’Ethiopie une corne de Lycorne entière, respondant à la description de Pline... pour faire voir que la Lycorne est et se trouve au monde... Joint à cela que ne se trouvant aucun Français qui aye encores osé traiter ce subject à fonds pour rapporter l’Hystoire ; les vertus et la résolution d’un si précieux animal : j’ay voulu publier ce discours... »

    Il pose le problème de ce qu’il faut entendre par licorne et évoque rapidement les insectes, oiseaux, poissons pourvus d’un appendice pouvant être considéré comme une corne. À propos des poissons, il fait état du poisson-scie en mentionnant Ambroise Paré et Olaus Magnus. Ce dernier, qui semble reprendre Strabon, décrit la licorne comme un monstre marin pourvu d’une corne frontale capable de percer la coque des navires et d’entraîner la perdition de nombreux matelots, mais la Providence a voulu que ce monstre soit d’une telle lenteur à se déplacer que les marins peuvent trouver le salut dans la fuite dès qu’ils l’ont aperçu.

    Puis Catelan devient précis en citant huit groupes de quadrupèdes porteurs de cornes et qu’on ne saurait confondre avec la licorne : le nasicornis (ou rhinocéros), l’onagre, le bœuf et la vache unicornes, le cheval, le camphurc, animal amphibie voisin du cheval et « ayant les pieds arrières comme ceux d’une oye », certains chevreuils et chèvres, le rangifer, moitié cheval, moitié cerf, utilisé comme animal de trait en Finlande (le renne) et la licorne qui sera seule étudiée à fond.

    Il décrit l’aspect, la longueur et la couleur de la corne, insiste sur le mouvement en torsade de celle-ci, expose les dix-huit objections qu’on peut faire à l’existence de la licorne et les réfute une à une en de nombreuses pages.

    La licorne, réputée pour sa sauvagerie et sa force, est redoutée par le lion lui-même. Pour éviter sa corne, aiguisée contre les rochers afin de la rendre plus perçante, voici comment procède le lion : il se cache derrière un arbre et la licorne le poursuivant « fiche sa corne bien avant dans l’arbre, demeure là prise et lors le lion la tue, puis on la trouve ainsi morte ». Selon d’autres auteurs que cite Laurent Catelan, « seule l’industrie d’une jeune pucelle qu’on appose séante au pied des montagnes (attire la lycorne). La bête prenant sa coursr d’une furie apparente (...) vient s’incliner près de la fille, se couche à terre posant son chef sur le giron de cette fille et prend un singulier plaisir qu’elle lui frotte tout doucement le crin et la teste avec des huiles, unguens (...) sur quoy cette misérable beste s’endort... » Elle peut alors être capturée, mais au réveil « furore, se videns vinci, se ipsum occidit », furieuse de se voir vaincue, elle se suicide. Une femme ne saurait attirer la licorne, mais on assure qu’un garçon habillé en fille peut jouer le rôle « ainsi que semblent le démontrer certaines tapisseries des Indes Orientales ». Au passage, l’auteur indique qu’on n’a jamais pu apprivoiser la licorne.

    Vierge et licorne. Enluminure extraite de Bestiary and Lapidary (manuscrit n°12 F XIII de la British Library, vers 1230)
    Vierge et licorne. Enluminure extraite
    de Bestiary and Lapidary (manuscrit n°12 F XIII de la British Library, vers 1230)
     
    lire beaucoup plus en cliquant sur le lien suivant :

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :